DU GANG DES RUES DE BIRMINGHAM Ă LA SĂRIE Ă SUCCĂS !
Souvenez-vous, en 2013 : des affiches vintage couleur sĂ©pia de ce qui semblaient ĂȘtre des bad boys dâun autre Ăąge ont fleuri sur la toile. Plusieurs hommes, affublĂ©s dâune casquette anglaise, tous vĂȘtus dâun manteau long, ça ne vous rappelle rien ?
La diffusion de ces images visait en rĂ©alitĂ© Ă faire la promotion de la future sĂ©rie Peaky Blinders. En effet, sur ces photos tirĂ©es des archives de la police, il sâagit de plusieurs membres dâun gang qui faisait la loi autrefois dans les rues de Birmingham â qui est aussi le lieu oĂč se dĂ©roule lâintrigue de la sĂ©rie.
Mais alors, qui sont ces personnes qui ont inspirĂ© la sĂ©rie Ă succĂšs ? Quelle est la part de vĂ©ritĂ© dans lâhistoire des Peaky Blinders ? Nous allons tenter de rĂ©pondre Ă ces questions dans cet article.
DES HISTOIRES RACONTĂES Ă UN ENFANT
Steven Knight, le crĂ©ateur de la sĂ©rie, raconte dans un article publiĂ© dans le GQ Magazine que lâhistoire des Peaky Blinders lui a Ă©tĂ© inspirĂ©e par diffĂ©rents Ă©lĂ©ments. Parmi ceux-ci, ce qui lâa le plus marquĂ© sont les pĂ©ripĂ©ties vĂ©cues par ses propres parents, qui lui Ă©voquaient un Birmingham «sauvage mais merveilleux».
Sa mĂšre Ă©tait une «bookiesârunner» lorsquâelle Ă©tait enfant. En effet, Ă lâĂ©poque, les paris non officiels nâavaient rien de lĂ©gal mais les bookmakers en prenaient quand mĂȘme lors des courses de chevaux. Ils utilisaient donc des enfants pour prendre les paris, sĂ»rs que ceux-ci ne se feraient pas arrĂȘter par la police. Les personnes souhaitant parier jetaient dans le panier recouvert de linge de sa mĂšre des piĂšces enfermĂ©es dans du papier journal et elle les rapportait au bookmaker local. Le pĂšre de sa mĂšre Ă©tait un des plus gros parieurs et finissait rĂ©guliĂšrement par perdre tout son argent ; il allait se consoler au Garrison Pub (lieu emblĂ©matique de la sĂ©rie) oĂč il jouait du piano en Ă©change de quelques verres de whisky.
Quant Ă la famille de son pĂšre, ils Ă©taient connus pour ĂȘtre de vĂ©ritables gangsters, travaillant officiellement sur les bateaux du canal de Birmingham. Son pĂšre, enfant, Ă©tait chargĂ© de porter des messages Ă ses oncles qui Ă©taient eux-mĂȘmes associĂ©s Ă une bande connue sous le nom de... Peaky Blinders. Une image lâa profondĂ©ment marquĂ© : celle de son pĂšre pied-nus frappant Ă une porte et entrant dans une piĂšce sombre et emplie de fumĂ©e. Des hommes coiffĂ©s de casquette anglaise et vĂȘtus Ă©lĂ©gamment, tous armĂ©s, Ă©taient rassemblĂ©s autour dâune table oĂč de lâargent liquide Ă©tait Ă©talĂ© en masse. Une image choquante dans un quartier qui Ă©tait si pauvre Ă lâĂ©poque.
Ces quelques anecdotes ont suffit Ă enflammer lâimagination de Steven Knight. Bien que ses parents nâaient cessĂ© de lui rĂ©pĂ©ter Ă quel point la vie pouvait ĂȘtre brutale et difficile dans les quartiers pauvres dâun Birmingham en pleine industrialisation, ces images sont restĂ©es gravĂ©es en lui jusquâĂ ce quâil ait la possibilitĂ© de les exploiter.
LES VĂRITABLES PEAKY BLINDERS : QUELLES DIFFĂRENCES AVEC LA SĂRIE ?
Si le pĂšre de Steven Knight a pu avoir des contacts avec ce gang, câest quâil existait bel et bien. Et le rĂ©alisateur nâa eu de cesse de les imaginer et de vouloir leur redonner vie Ă travers sa sĂ©rie, en sâinspirant de personnes qui lâavaient entourĂ© dans son enfance. Cependant, il semblerait que plusieurs mythes sur les Peaky Blinders ne soient pas avĂ©rĂ©s.
«Peaky Blinder» : synonyme de danger ou dâĂ©lĂ©gance ?
Commençons par lâorigine de leur nom. Le mot «peaky» dĂ©signait un type de chapeau plat Ă visiĂšre. Mais la sĂ©rie laisse Ă penser â et Steven Knight lui-mĂȘme semble le croire â que des lames de rasoirs Ă©taient cachĂ©es Ă lâintĂ©rieur des casquettes des Peaky Blinders. Leur nom viendrait donc du fait quâils Ă©taient capables dâaveugler (= to blind) leurs ennemis grĂące Ă cette arme dissimulĂ©e dans leur couvre-chef. Mais un historien du nom de Carl Chinn, auteur du livre «The Real Peaky Blinders», affirme que les lames de rasoir Ă©taient Ă lâĂ©poque considĂ©rĂ©es comme un produit de luxe que ce gang nâaurait pu offrir Ă tous ses membres. Sans parler du fait quâune lame de rasoir cousue Ă travers une casquette serait trĂšs peu pratique pour rĂ©ussir Ă blesser quelquâun. Selon lâhistorien, le nom «Peaky Blinders» viendrait en rĂ©alitĂ© du terme dâargot «blinder», un adjectif utilisĂ© pour qualifier une personne ou un objet Ă©lĂ©gant. Enfin, une derniĂšre hypothĂšse veut que le mot «blinder» vienne du fait que la visiĂšre empĂȘchait les gens dâapercevoir les yeux des membres du gang. La vĂ©ritĂ© quant au nom du gang demeure donc un mystĂšre.
UNEÂ ĂPOQUE RĂVOLUE
Autre dĂ©tail qui a son importance : les Peaky Blinders ont connu leur apogĂ©e non pas dans les annĂ©es 1920, aprĂšs la guerre, mais dans les annĂ©es 1900, aprĂšs avoir dĂ©trĂŽnĂ© un autre gang une dizaine dâannĂ©es plus tĂŽt.
Comme expliquĂ© dans une vidĂ©o de «La Folle Histoire», des annĂ©es 1850 Ă 1900, Birmingham est en pleine rĂ©volution industrielle : urbanisation, Ă©mergence dâune classe ouvriĂšre trĂšs pauvre... Les habitants essaient de sâen sortir en versant dans lâillĂ©galitĂ©Â et les solutions ne manquent pas, entre le trucage de courses hippiques ou la vente dâarmes et dâalcool.
Plusieurs bandes se crĂ©ent et commencent Ă investir diffĂ©rents quartiers. Dans les rues de Birmingham, les gangs commencent Ă se livrer des guerres de territoire, ce qui ne fait quâaccroĂźtre la violence dĂ©jĂ prĂ©sente dans les bas-fonds de la ville. Les «Sloggers» (= cogneurs en anglais) rĂšgneront sur la capitale industrielle des annĂ©es 1870 aux annĂ©es 1900, sans que les autoritĂ©s ne puissent rien y faire. Câest alors quâentrent en jeu les Peaky Blinders, originaires du quartier de Small Heath. On fait mention dâun de leur crime dans un journal le 9 avril 1890 ; câest la premiĂšre fois quâon entend parler dâeux. Ils vont peu Ă peu remplacer les Sloggers en gardant les mĂȘmes mĂ©thodes que tous les gangs de lâĂ©poque : assassinats, bagarres, trafic en tout genre et utilisation dâorphelins pour faire passer des messages ; ils nâont rien dâinnocent. Ils seront eux-mĂȘmes dĂ©trĂŽnĂ©s par la suite par un autre gang, les «Birmingham Boys». Puis les gangs disparaitront peu Ă peu, avec lâamĂ©lioration des conditions de vie et la police qui rĂ©ussira Ă reprendre le contrĂŽle.
UNE SĂRIE QUI RESTE FIDĂLE Ă LA RĂALITĂ
Si aucun des personnages de la sĂ©rie nâa existĂ©, certains ont Ă©tĂ© trĂšs fortement inspirĂ©s par de vĂ©ritables personnalitĂ©s de lâĂ©poque comme Billy Kimber et Charles Sabini, tous deux ennemis jurĂ©s de Tommy dans la sĂ©rie.  De plus, la ville de Birmingham et sa pauvretĂ©, son statut de capitale industrielle mais aussi de capitale de lâalcool, des paris et de la violence ont Ă©tĂ© dĂ©peintes avec beaucoup de rĂ©alisme, bien que toutes les scĂšnes nâaient pas Ă©tĂ© tournĂ©es dans cette ville.
Ainsi, la sĂ©rie reste inspirĂ©e de faits bien rĂ©els, mĂȘme si le scĂ©nario est bien plus Ă©laborĂ© que les vĂ©ritables agissements des Peaky Blinders et que lâĂ©poque est lĂ©gĂšrement diffĂ©rente. Mais cela ne nous empĂȘche pas dâapprĂ©cier la sĂ©rie et de rester impressionnĂ© par leur lĂ©gendaire style vestimentaire !